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Communiqué de la SELF sur la prévention des risques professionnels

Publié le 

24 septembre 2002

 par 

SPYRIT

Connaître l’activité de travail de l’homme pour élaborer des politiques de prévention des risques professionnels

Septembre 2002

Dans un contexte d’évolution de la politique de prévention des risques professionnels, la Société d’Ergonomie de Langue Française tient à rendre publique sa position traduisant les acquis de l’ergonomie dans ce domaine. Ils reposent sur deux repères essentiels :

  • Si depuis la loi du 31 décembre 1991, les principes de prévention sont fixés dans l’article L230- 2 du Code du Travail, depuis le décret n°2001- 1016 du 5 novembre 2001, l’employeur doit transcrire et mettre à jour, dans un document unique, les résultats de l’évaluation des risques. Cette évaluation sera peu efficace pour la prévention, si elle est abordée uniquement en termes d’obligations réglementaires. Comme la circulaire du 18 avril 2002 le précise, l’évaluation des risques ne se réduit pas à un relevé brut de données, mais constitue un véritable travail d’analyse des modalités d’exposition des salariés à des dangers ou à des facteurs de risques. Sa finalité n’est donc nullement de justifier l’existence d’un risque, quel qu’il soit, mais, bien au contraire, de mettre en œuvre des mesures effectives, visant à l’élimination des risques notamment dans le cadre d’un programme de prévention.
  • On ne peut borner l’identification des risques aux seuls risques physiques, mais selon les principes de prévention eux-mêmes émis par la loi, il faut prendre en compte globalement le travail et l’adapter à l’homme pour la prévention des risques professionnels.

L’analyse des risques nécessite l’analyse de l’activité de travail

Connaître un risque, c’est non seulement caractériser la nature des dangers présents, la population potentiellement exposée, mais c’est aussi analyser les processus concrets de réalisation du travail et les conditions de son organisation qui peuvent mettre en contact cette population avec les sources de dangers. Pour appréhender la complexité des situations réelles, l’ergonomie a développé une pratique d’analyse, centrée sur « le point de vue du travail ». Ce terme ne signifie pas seulement qu’il est indispensable de recueillir les opinions des salariés sur leur propre travail, mais que la compréhension du fonctionnement des organisations de l’entreprise passe nécessairement par une analyse de l’activité de travail réel. Le concept d’activité est né du constat d’un écart, toujours irréductible, entre la façon dont on a pensé que le travail devait se réaliser et le travail tel qu’il est réellement réalisé. Les salariés comme les systèmes techniques n’ont pas la stabilité que postule l’organisation prescrite. Les dysfonctionnements, les pannes, les aléas viennent perturber le déroulement prévu du travail, et les variations quantitatives et qualitatives de la production ne s’accompagnent pas toutes de moyens spécifiques pour y faire face. De ce point de vue, le travail humain est aussi et surtout « compétence et expérience ». Il est le reflet et la construction d’une histoire : celle d’un sujet actif qui arbitre entre « ce qu’on lui demande » et «ce que ça lui demande». Les études ergonomiques ont, depuis longtemps, souligné le rôle des opérateurs pour la fiabilité des systèmes de travail, l’existence de « manière de faire » pour faire face à des dangers. C’est pourquoi, pour la SELF, l’analyse des risques, dont la demande réglementaire est aujourd’hui renforcée, ne peut être indépendante de l’analyse de l’activité de travail.

Fonder les politiques de prévention sur des connaissances indépendantes

Dans les politiques de prévention (européennes, nationales, ou d’entreprises), la prise en compte de l’activité réelle de travail est encore trop souvent absente. Les jugements a priori constituent souvent un véritable barrage à la compréhension de ce qui détermine les risques. Elles reposent encore trop souvent sur des consignes de sécurité à respecter ; la transgression de ces règles étant alors interprétée en termes de comportement individuel inadapté. Pour élaborer un programme de prévention efficace, il est nécessaire de construire des connaissances sur le risque qui ne se limitent pas aux seuls aspects purement scientifiques, statistiques ou juridiques. Dans cette perspective, prévenir, nécessite l’association de plusieurs registres de connaissances : des connaissances issues de disciplines (toxicologie, chimie, physique, physiologie, psychologie, ergonomie,…) qui permettent de caractériser le ou les dangers et des connaissances cliniques élaborées à partir d’une analyse des organisations et des situations réelles de travail dans lesquelles s’exercent les dangers. C’est à partir de l’association de ces connaissances que doivent s’enchaîner les trois phases classiques d’une démarche de prévention : identification, évaluation et gestion du risque. Si ces phases sont complémentaires, elles n’en sont pas moins distinctes car relevant de logiques différentes. Alors que l’identification et l’évaluation doivent reposer sur ces connaissances pour jouer leur fonction d’alerte, la gestion des risques, repose également sur des connaissances associées pour la construction d’actions de changement, qui nécessite la recherche de compromis. La SELF ne peut que regretter l’absence d’organisme jouant un rôle de référent dans ce domaine et garantissant l’indépendance de ces connaissances. Dans le cadre de coopérations avec d’autres professionnels, les organisations professionnelles, les organisations syndicales, les chercheurs,… la SELF invite à la réflexion pour l’élaboration d’un cadre méthodologique national favorisant des politiques de prévention des risques professionnels qui prennent en compte un horizon temporel allant de la situation de travail aux effets sur les générations futures, en passant par l’atteinte au potentiel de vie des travailleurs actuels.

Le Conseil d’Administration de la Société d’Ergonomie de Langue Française

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