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Hommage à Alain Kerguelen, décédé le 4 mai 2015

Publié le 

10 mai 2015

 par 

SPYRIT

Alain a grandi à Antony, en région parisienne, où ses parents tenaient un café à la Croix-de-Berny. Après avoir été directeur de la maison de jeunes de Fresnes, il a été l’un des premiers à suivre le formation d’ergonome au CNAM dans les années 70. Il est recruté au « 41 rue Gay-Lussac », d’abord comme vacataire CNAM, ensuite comme technicien puis ingénieur CNRS au laboratoire de psychologie du travail dirigé par Jacques Leplat où il à la haute main sur la bibliothèque et le matériel informatique (et, de surcroît, sur l’initiation de son entourage à ce domaine). Il contribue au large flux de relations amicales et scientifiques entre ce laboratoire et celui d’ergonomie, dirigé par Alain Wisner et Antoine Laville. ll développe notamment les liens avec les travaux de ce dernier et de Catherine Teiger. Il passe son diplôme d’ergonomiste Cnam, et contribue à l’enseignement célèbre des TP B d’ergonomie, le samedi matin, avec entre autres Antoine Laville et Dominique Dessors, puis François Daniellou. Le bilan pédagogique se faisait classiquement à midi autour d’un verre de whisky offert par Antoine.

Au début des années 1980, il entame son grand œuvre, qui deviendra le logiciel Kronos puis Actogram. A l’époque, les enregistrements des observations de l’activité étaient réalisés à l’aide de stylets à encre qui se déplaçaient sur un rouleau de papier millimétré, et dont le mouvement était commandé par des poussoirs. Le dépouillement se faisait au double-décimètre. Dès l’arrivée des premiers ordinateurs Apple, Alain programme un système de traitement statistique des données d’observation. Mais, lorsqu’il apporte le premier listing de résultats à Antoine, celui-ci lui dit : « il me manque le tracé, j’ai besoin de voir … tu sais, les choses sont plus compliquées ». Alain programme donc le tracé des chroniques d’activité, reconstituant les bonnes vieilles bandes. Mais l’élément central du développement de Kronos est la mise en place du « protocole de description » : Alain a combiné ses compétences d’ergonome, d’enseignant et d’informaticien pour obliger les ergonomes à être clairs sur leurs hypothèses d’observation. A partir du succès initial de Kronos, il a ensuite fait évoluer le logiciel pendant 25 ans pour l’adapter aux évolutions des langages, des systèmes de saisie, des demandes des utilisateurs reflétant de nouvelles formes d’analyse du travail, et des besoins de traduction dans d’autres langues. Il a toujours assuré un « service après-vente » personnalisé auprès des utilisateurs.

A la fin des années 1980, Alain contribue avec F. Guérin, J. Duraffourg, A. Laville, C. Teiger et F. Daniellou à l’écriture de Comprendre le travail pour le transformer, mettant sa rigueur au service de ce travail collectif un peu échevelé, qui aboutira en 1991. A partir de 1987, il participe à l’aventure de la conception de l’imprimerie du Monde, première conduite de projet industriel de l’équipe, dans le cadre très particulier d’une mobilisation exceptionnelle de la CGT du livre parisien.

Alain est homme d’amitié et de convivialité. Sa maison de l’Haÿ-les-Roses est toujours ouverte. Elle accueille les célèbres parties de tarot réunissant chercheurs de l’INETOP, de l’EPHE et du Cnam. Elle reçoit les premiers ergonomes brésiliens, ceux que la dictature avait contraints de se réfugier en France, puis leurs successeurs par des temps plus calmes, et bien sûr les Québécois. Et à tous les amis, Alain fait superbement la cuisine, sert à boire, puis sort sa guitare et chante des chansons, brésiliennes et québécoises surtout. Les grands jours, il lit un poème, souvent de René Char.

En 1996, Alain part à Toulouse rejoindre le nouveau laboratoire TRAVAIL ET COGNITION dirigé par Yvon Quéinnec. II y poursuit le développement de Kronos et l’encadrement méthodologique des thèses. Parallèlement, il s’engage au conseil d’administration de la SELF de 2003 à 2009, en créant notamment le premier site web de la SELF. Il a également été partie prenante du développement de la Revue @ctivités et membre de son Comité de Rédaction.

Sa venue dans le sud-ouest le rapproche aussi de la maison de Figeac, immense et exigeant beaucoup de travaux. Elle deviendra, elle aussi, un grand lieu d’hospitalité, sur la route des vacances ou pour de plus longs séjours.

Comme le dit Catherine Teiger, Alain était un homme de talents multiples et discrets qui ne l’ont pas toujours rendu heureux mais qui ont souvent rendu les autres heureux avec lui.

François Daniellou, Yvon Quéinnec et Catherine Teiger

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