L’accompagnement et la formation des représentants des salariés (représentants syndicaux ou membres de CHSCT / CSE) a toujours été une préoccupation de l’ergonomie francophone. Pourtant, peu d’écrits donnent à voir la nature de l’activité de ces représentants (Dugué, 2005 ; Chassaing, Daniellou, Davezies, & Duraffourg, 2012 ; Briec, 2014 ; Tomás, Kloetzer, & Clot, 2014 ; Poley & Petit, 2019). La transformation du dialogue social initiée par la loi du 17 août 2015, dite « loi Rebsamen », et par les ordonnances Macron de 2017, nécessite une reprise et un approfondissement de nos approches théoriques et méthodologiques des relations sociales, de l’activité des acteurs qui en ont la charge, et de la manière dont les ergonomes peuvent contribuer à ce que le travail soit au centre des échanges.
Les travaux précurseurs mettent en avant que les activités des représentants du personnel peuvent rencontrer des dilemmes au cours du travail de négociation (Tomás et al., 2014), ou encore des contradictions entre les valeurs individuelles et celles des organisations (Briec, 2014). Les caractéristiques variées du travail des représentants du personnel entrainent alors la mobilisation d’une diversité de ressources (Chabbert & Rey, 2019) et des régulations, notamment dans une de leur tâche centrale : la négociation. Les activités de négociation relèvent de régulations conjointes entre les acteurs qui supposent un minimum de « confiance mutuelle », mais qui n’excluent jamais la possibilité de conflits, car visant toujours, d’une certaine manière, à « bousculer l’ordre établi » (Dugué, 2005). Il est souligné que la négociation peut chercher à obtenir des moyens complémentaires et vise l’élaboration d’un compromis, mais que dans certains cas, il s’agit plus d’une confrontation se traduisant par une posture d’opposition avec une partie présentant des enjeux contradictoires à ceux des représentants du personnel (d’après Damothe, 2004).
De plus, ces négociations se produisent directement lors de réunions officielles, mais aussi en dehors des séances de négociation, jusqu’à la concrétisation des résultats. En ce sens, une caractéristique du travail de négociation réside dans la multiplicité des espaces dans lesquels les négociations peuvent se produire, à l’intérieur de l’entreprise ou en dehors (Tomás et al., 2014). Ces espaces vont de la négociation centralisée laissant peu de place aux adaptations locales, aux groupes de travail et rapprochements avec d’autres entreprises et branches professionnelles (Mias, 2014). Le travail en amont et en aval des réunions de négociation devient également un élément clé. Dans ces configurations, la question de l’éloignement avec le travail réel et la possibilité de le prendre en compte se pose. Par ces constats, il devient possible d’assimiler la négociation à un processus de conception (Dugué, 2005).
Dans ce contexte, notre hypothèse est que les négociations menées par les représentants du personnel seraient constituées d’une diversité de tâches autres que la négociation elle-même. Par ailleurs, l’activité de « négociation » proprement dite pourrait être vue comme partiellement collaborative (Caroly & Barcellini, 2013) – voire conflictuelle (Benchekroun, 2016, 2017). Dans ce contexte, il reste un travail à mener pour appréhender les objets d’échange sur lesquels peuvent porter les tensions (Dugué & Petit, 2018) ainsi que les incertitudes actuelles liées au travail des représentants du personnel (Petit, Dugué, & Lerouge, 2019). Une meilleure compréhension des stratégies mises en œuvre dans la négociation ouvre la voie pour mieux accompagner ces activités et favoriser les débats sur le travail, tout en prenant en compte le coût que peut représenter cette activité pour les acteurs sociaux. Au-delà de la caractérisation du contexte de nos interventions, les relations sociales et le dialogue social sont un important objet de travail pour les ergonomes.
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