Historique 1
Avant propos de l'ouvrage « Ergonomie –Travail, Conception, santé »
Coordonné par Annie Drouin - Editions Octares
Le 30 mars 1963, la Société d’Ergonomie de Langue Française (SELF) a été officiellement fondée par le dépôt de ses statuts, élaborés par ses neuf membres fondateurs (Simon Bouisset, Georges Coppée, Jean MarieFaverge, Jean Jacques Gillon, Etienne Grandjean, Jacques Leplat, Bernard Metz, Jean Scherrer, Alain Wisner).
Entrepris en célébration de son Cinquantenaire, à l’initiative de la commission Histoire de la SELF, cet ouvrage se propose de dresser un tableau de l’émergence et de l’évolution de l’ergonomie francophone.
Il a été fait appel à la mémoire de ceux qui ont été à l’origine de la création de la SELF : Simon Bouisset, l’un des co-fondateurs, Hugues Monod et Michel Pottier, acteurs de l’ergonomie avant même la création de la SELF, associés à ceux et celles qui ont contribué ensuite à son développement (Brigitte Arnaud-Ronssin, Annie Drouin, Corinne Grosse, Jean-Claude Sperandio).
Il ne s’agit pas du patient travail d’historiens des sciences, bien qu’il ait fallu consulter des archives, collationner des textes anciens, croiser les sources, confronter les points de vue, et ce avec l’enthousiasme et la ténacité qui ont été à la base de notre cheminement. L’objectif a été de donner, à l’intention des plus jeunes, une image continue de l’ergonomie francophone, de ses racines et de son essor, en adoptant avec prudence une prise de recul collective vis-à-vis de nos propres parcours «ergonomiques».
L’ouvrage est organisé en quatre grandes parties : les préliminaires, la naissance et l’essor de la SELF ; les activités de la SELF et autour de la SELF; quelques thèmes majeurs illustrant l’ergonomie francophone ; les réseaux qui se sont tissés autour de la recherche et de la pratique.
Le voyage dans le temps a commencé bien avant la création de la SELF. Les racines profondes de la volonté d’appliquer au Travail Humain les avancées scientifiques depuis le XVIe siècle jusqu’au XXe siècle ont été recensées, et plus particulièrement les progrès de la physiologie appliquée au travail de l’Homme (Hugues Monod).
Quelques points de repères de l’évolution sociale au XIX e siècle concomitante de la naissance du travail industriel sont donnés. La création des grandes usines et manufactures, l’extension du salariat, la mécanisation de la production, l’augmentation des accidents du travail et donc la nécessité de leur prévention, la misère associée à une hygiène abominable ne faisaient pas seulement l’objet de débats, mais ont poussé quelques physiologistes, médecins et scientifiques à agir, tandis que la science progressait rapidement. Les conditions étaient réunies pour qu’une psychologie naissante s’intéresse au travail et aux travailleurs (Jean-Claude Sperandio).
Les années qui ont précédé l’émergence de la SELF sont évoquées en détail, de même que les précurseurs directs entre les deux guerres et dans l’immédiat après-guerre, le rôle créateur joué par des laboratoires, revues et institutions académiques, ainsi que les premières équipes d’ergonomistes, comme on disait alors, dans l’industrie (Simon Bouisset). L’évolution des formations en ergonomie organisées en France fait également l’objet de cette première partie, afin d’en souligner à la fois l’aspect historique et le travail fait par les premiers acteurs de l’ergonomie, puis par d’autres, pour sensibiliser les entreprises, initier nos partenaires et former les futurs ergonomes (Simon Bouisset, Hugues Monod, Jean-Claude Sperandio).
Mais si cet ouvrage est fortement empreint de l’ergonomie française, il ne faut pas oublier que cette ergonomie francophone doit aussi beaucoup aux ergonomes belges, suisses et québécois. C’est donc l’occasion ici d’en évoquer les principales figures pour la Belgique, pour la Suisse et pour le Québec, comme l’ont fait respectivement René Patesson, Daniel Ramaciotti et Jean-Marc Robert, qui ont rassemblé leurs archives, leurs souvenirs, leurs connaissances, synthétisant en un nombre de pages restreint les parcours ergonomiques dans leur pays.
La seconde partie porte sur la SELF elle-même, ses activités et les activités en lien avec elle qui constituent un prisme majeur pour montrer l’essor de l’ergonomie francophone. À cet effet, il a été largement puisé dans les archives de la SELF et du CNAM rassemblées par Antoine Laville, Hugues Monod, Michel Pottier, Simon Bouisset, Pierre Falzon et François Daniellou. Les congrès de la SELF ont été dépouillés congrès après congrès, au fil des années et par mots-clés thématiques.
Une focale particulière a porté sur les adhérents à la SELF (membres actifs, correspondants et correspondants étudiants) et les participants aux congrès (selon les professions et spécialités ergonomiques, les pays d’origine, les localisations des congrès, etc.), ainsi que sur les colloques, qu’ils soient ou non parrainés par la SELF.
Trois rendez-vous annuels et pérennes depuis près de 20 ans sont également proposés aux lecteurs : Les tâches du présent (Université d’Aix-en-Provence) ; Les journées de la pratique (Université de Bordeaux II) ; Le séminaire Paris 1(Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne).
Les revues jouent également un rôle important pour le développement de l’ergonomie. Le Travail Humain, revue francophone créée par Henri Laugier et Jean-Maurice Lahy en 1933 et toujours active, et les revues récentes Pistes (Perspectives Interdisciplinaires Sur le Travail et la Santé) et Activités sont présentées plus en détail dans cet ouvrage. Nous n’oublions pas de mentionner ici les revues qui ont cessé, particulièrement le Bulletin du CERP et Performances Humaines et Techniques, qui ont joué un rôle important pour l’essor et le développement de l’ergonomie.
La troisième partie rassemble un choix d’une douzaine de thèmes (évidemment non exhaustifs) destinés à illustrer l’évolution, mais aussi l’état de l’art actuel de l’ergonomie francophone. Les différents chapitres portent non seulement sur des thèmes différents, mais aussi sur des milieux variés, au travail ou hors travail au sens strict.
L’ergonomie de prévention rappelle opportunément que le souci de prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles est concomitant de l’ergonomie et de ses racines (Michel Neboit).
La normalisation en ergonomie (Jean François Cholat) n’est-elle pas également une des formes de la prévention ? Adapter aux caractéristiques de l’Homme dès leur conception les outils, les environnements de travail, le travail lui-même, c’est dans ce but que son initiateur, Bernard Metz, avait travaillé dès la création de la SELF, avec la volonté de communiquer directement aux concepteurs les résultats concrets du corpus des connaissances ergonomiques.
Dans le même esprit préventif, plus que curatif, s’inscrit le défi ergonomique face aux TMS d’origine professionnelle (Fabien Coutarel, Yves Roquelaure, François Daniellou).
Également fortement liée au souci de prévenir les astreintes (parmi lesquelles, les TMS) des personnels hospitaliers, et au-delà, visant l’amélioration des équipements, locaux et organisations, L’ergonomie à l’hôpital(Michel Pottier et Jean-Claude Sperandio) voit des thématiques s’amplifier et se diversifier depuis les années 60 jusqu’à nos jours.
Deux chapitres sont consacrés à l’ergonomie des handicaps, sous l’angle de l’évolution historique des concepts et approches institutionnelles : Le handicap, les ergonomes et le travail, repères historiques (Samuel Libgot), et sous celui des aides techniques la compensation des handicaps : solutions techniques et organisationnelles (Jean-Claude Sperandio).
Et si l’âge n’est certes pas une maladie, ni une catégorie parmi les handicaps, nombre d’astreintes aggravées et de handicaps lui sont liés, y compris sur le plan de l’exclusion des emplois : Des âges et du travail(Corinne Gaudart, Serge Volkoff).
Quels que soient les terrains d’application, les contraintes et astreintes physiques sont intimement liées à celles mentales et cognitives. L’informatique, qui a progressivement envahi tout l’espace professionnel et privé, est un exemple parmi d’autres de cette intrication des versants physique et mental, entraînant une approche ergonomique nécessairement pluridisciplinaire : l’ergonomie s’applique à l’informatique (Jean-Claude Sperandio). Partie prenante de l’essor de l’ergonomie en informatique, l’ergonomie cognitive se trouve actuellement subtilement liée à l’ingénierie cognitive : L’ergonomie cognitive, un compromis entre une conception centrée sur la machine et une conception centrée sur l’homme (Jean-Michel Hoc).
Autre exemple typique de l’intrication des approches physiologique et psychologique : l’ergonomie de la conduite automobile (Annie Pauzié) où sont concentrés la plupart des grands thèmes ergonomiques, tels que l’apprentissage, l’attention, la vigilance, la vision, les effets du vieillissement des conducteurs, l’accidentologie, etc. ainsi que les aides techniques nouvelles à la conduite. À l’école, un milieu non directement réductible à une ergonomie centrée sur l’adulte, l’ergonomie a su progressivement se faire une place originale, tirant habilement parti des avancées de l’ergonomie générale en les adaptant aux différences d’âges, d’activités et d’environnement : À propos de l’ergonomie scolaire, la spécificité de l’approche française (Anne Lancry-Hoestlandt).
Enfin, le milieu militaire, où l’ergonomie a très tôt trouvé une place originale tout en devant néanmoins défendre sa spécificité à la fois vis-à-vis des médecins au sein du Service de Santé des Armées et des ingénieurs concepteurs des matériels militaires au sein de la Direction Générale de l’Armement, présente une réelle complexité, non sans quelques conflits de critères (préserver et tuer), qui rend son approche originale par une ergonomie non directement réductible au fonctionnement des milieux de travail civils: L’ergonomie en milieu militaire (Christian Colas, Emmanuel Gardinetti, Claude Valot).
La quatrième partie donne un aperçu des réseaux tissés autour de la recherche et de la pratique ergonomique. Cet engagement associatif facilite l’intégration, crée le lien, donne le sens à nos différents parcours et œuvre pour un partage de la connaissance et de l’expérience. Ce tissu associatif relatif à l’ergonomie ne cesse de croître et de se structurer autour de la discipline et de ses pratiques.
Cet ouvrage est une page de notre histoire passée… et inachevée. Les débats qui animent notre discipline et notre communauté élargie, le respect mutuel de nos différences, sont la preuve explicite de notre ouverture vers l’Homme au travail. Nous souhaitons que ce parcours rétrospectif permette de construire l’avenir de nos professions qui sont, par essence même, à l’écoute des interrogations et des interpellations de la Société en mutation qui nous entoure.
Notre mission :
Promouvoir
la recherche,
la pratique
et l’enseignement
de l’ergonomie.
Contribuer
Vous souhaitez communiquer une information ? Adressez-nous votre message.