Historique 2
Texte sur les origines de la SELF de Bernard Metz, Juin 1991
L’acte fondateur de la SELF a été, en 1963, le dépôt de ses statuts, adoptés par ses neuf membres fondateurs. Ceux-ci représentaient les principales disciplines et groupes alors actifs dans le domaine des sciences appliquées au travail humain.
La création de la SELF peut être mise en rapport avec deux facteurs déclenchants intervenus au plan international dans les années qui l’ont précédée.
Tout d’abord, entre 1956 et 1959, le projet « Adaptation du Travail à l’Homme de l’Agence Européenne de Productivité » avait provoqué, sur l’initiative conjointe du Ministère du travail et du Commissariat général au plan et à la productivité, la rencontre de personnes susceptibles d’apporter des contributions françaises à ce projet : en 1957, lors d’un séminaire international tenu à Leyde (Pays Bas), et en 1959, lors d’une conférence internationale tripartite (patronat, syndicats, spécialistes des sciences appliquées au travail humain) tenue à Zurich (Suisse). Dans cette perspective se situe la parution en 1958 de l’ouvrage de Jean-Marie Faverge, Jacques Leplat et Bernard Guiguet, intitulé « L’adaptation de la machine à l’homme » qui se fondait sur leurs travaux au Centre d’études et de recherches psychotechniques et sur leurs interventions dans des séminaires de deux jours organisés dans les centres de productivité de douze villes françaises. Cette campagne d’information des milieux industriels avait été suscitée par Paul Albou, alors responsable de ce domaine au Commissariat général au plan et à la productivité, qui contribua très efficacement à la création de la SELF et au financement d’études confiées à un certain nombre de ses membres.
Puis, en 1961, le premier congrès de l’Association Internationale d’Ergonomie (IEA), fondée à la suite de la conférence de Zurich, fit se rencontrer à Stockholm une vingtaine de participants français. Ils y formulèrent le souhait qu’une association française ou francophone d’ergonomie se constitue et puisse ultérieurement devenir membre de l’IEA.
Mais, dès avant cette rencontre, plusieurs d’entre eux avaient adhéré à l’Ergonomics Research Society ou participé à ses congrès, appréhendant ainsi l’ergonomie au contact de ses promoteurs britanniques.
Cependant, ces rencontres et la constitution rapide de la SELF procédaient très directement de l’existence antérieure en pays francophones, d’enseignements et de recherches dans les disciplines de base de l’ergonomie (biométrie, biomécanique, physiologie du travail, psychologie du travail).
En France, le Conservatoire National des Arts et Métiers (CNAM) dans le cadre duquel Jules Amar avait animé, de 1913 à 1920, un laboratoire de recherche sur le travail musculaire professionnel – devenu, avec Henri Laugier, le Laboratoire de physiologie du travail – avait créé dès 1930 un enseignement de cette discipline étroitement associé à ceux d’hygiène industrielle, de sécurité et d’orientation professionnelle. Ce laboratoire et cet enseignement furent dirigés par Camille Soula de 1947 à 1958, époque à laquelle lui succéda Jean Scherrer à qui revint, en même temps, la direction de deux formations qui en étendaient les champs d’action : d’une part le Centre d’études scientifiques de l’homme du CNRS qui se transforma en 1962 en un laboratoire de physiologie du travail, et d’autre part le Centre de physiologie du travail de l’Institut National de Sécurité (INS), centre qui devint le noyau de l’un des départements du Centre de recherche de l’Institut National de Recherche et de Sécurité (INRS) lorsque celui-ci fut créé en 1970.
En outre, la nécessité d’une coopération interdisciplinaire en matière de sciences appliquées au travail humain avait conduit Henri Laugier, Raymond Bonnardel (créateur du service psychotechnique des automobiles Peugeot) et Jean-Marie Lahy (créateur des Laboratoires de psychotechnique de la régie autonome des transports parisiens et des chemins de fer du nord où se distingua Suzanne Pacaud) à créer la revue « Le Travail Humain », revue que l’on peut considérer, sans vanité nationale, comme la plus ancienne du domaine qui sera appelé « Ergonomie » à partir de 1949. Dans une perspective similaire, les mêmes précurseurs avaient, avec Henri Pieron, fondé l’Institut National d’Etude du Travail et d’Orientation Professionnelle (INETOP).
A nouveau sous l’impulsion d’Henri Laugier, le Centre National de la Recherche Scientifique avait créé, en 1961, à Strasbourg, un Centre d’Etudes Bioclimatiques pour l’étude des effets physiologiques et psychologiques des environnements physiques sur l’homme au travail et hors travail. La réalisation et la direction en furent confiées à Bernard Metz qui avait précédemment animé un Centre d’Etudes de Physiologie appliquée au Travail, créé en 1955 à l’instigation de Jean-Jacques Gillon et de la Caisse Régionale de la Sécurité Sociale de Strasbourg. Les terrains d’application en furent les Mines de Potasse d’Alsace (Docteur Raymond Krafft), la sidérurgie lorraine (Docteur Jacques Godard), la sidérurgie luxembourgeoise (Docteur Raymond Foehr), les sites de prospection minière et pétrolière au Sahara (Docteur Francis Borrey).
Parmi les branches d’activité où, dès avant la création de la SELF, d’autres terrains d’intervention des sciences appliquées au travail humain s’étaient ouverts, il convient de rappeler tout particulièrement : la Régie Nationale des Usines Renault où la démarche, illustrée par Alain Wisner dès 1954 dans son Laboratoire de Physiologie et de Biomécanique orienté vers les facteurs humains de la conduite de véhicules, avait été étendue par la Direction du Personnel avec André Lucas aux conditions de travail ; les Charbonnages de France qui, sous l’impulsion de leur médecin-chef, Jean-Jacques Jarry, avaient créé un Centre d’Etudes et de Recherches d’Ergonomie Minière dont la direction fut confiée à Pierre Cazamian. Cette démarche doit être rapprochée de l’importance croissante prise par l’Ergonomie dans les travaux de la commission « Facteurs humains Sécurité », animée par James Carpentier dans le cadre de la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier.
En Belgique, deux pôles principaux s’étaient constitués : l’un à l’Université Libre de Bruxelles où Jean-Marie Faverge, succédant à André Ombredane, mettait l’accent sur l’analyse du travail et des systèmes, l’autre à Liège où Georges Coppee, partant de travaux sur l’audition et les effets du bruit, avait ouvert le Laboratoire d’Ergologie à d’autres aspects des conditions de travail. Par ailleurs, bien qu’ayant quitté la Belgique en 1940, Lucien Brouha, qui faisait depuis lors une œuvre de pionnier dans les industries américaines, contribua très directement à la pénétration de la physiologie du travail dans les industries des pays francophones par deux ouvrages parus à Paris en 1959 et 1963.
En Suisse, la psychologie appliquée, individualisée dès 1920 à Genève sous l’impulsion d’Edouard Claparede, avait pénétré progressivement l’industrie horlogère des cantons francophones. Mais c’est à l’Institut Polytechnique Fédéral de Zurich que les sciences appliquées au travail humain avaient trouvé le premier cadre d’un enseignement supérieur et d’un laboratoire de recherche, dirigés par Etienne Grandjean, au carrefour des cultures latines et germaniques.
La période précédant la création de la SELF avait aussi été marquée par la tenue de trois colloques de Physiologie du Travail – Ergonomie organisés par Camille Soula et Jean Scherrer. Deux d’entre eux, consacrés respectivement, en 1959 au Travail à la Chaleur, puis en 1960 aux problèmes physiologiques posés par les transports, se tinrent au laboratoire de physiologie du travail du CNAM. Le troisième, sur la conception ergonomique des bâtiments industriels, eut lieu au Palais de l’UNESCO. Les actes de ces colloques furent édités par Simon Bouisset, Hugues Monod, Daniel Rohr et Alain Wisner.
Depuis la création de la SELF, son activité s’est manifestée principalement par ses congrès annuels, tenus en alternance à Paris, dans une ville française de province et dans une ville d’un autre pays. Une charte des congrès de la SELF en fixe les objectifs ainsi que les modalités d’organisation et comporte des dispositions s’appliquant aux réunions dont elle assure le parrainage. Il n’y eut pas de congrès annuel de la SELF en 1970 et en 1973, car la tenue des 4ème et 5ème congrès de l’IEA avait conduit la SELF à inciter ses membres à participer nombreux à ces deux manifestations internationales qui s’étaient déroulées respectivement à Strasbourg et à Amsterdam. Pour le même motif, la SELF a supprimé son congrès annuel de 1991, année où fut organisé à Paris par la SELF le XIème Congrès de l’IEA.
Outre les lieux de ses congrès, les personnalités des présidents successifs de la SELF traduisent son ouverture à tous les pays francophones et à toutes les disciplines constitutives de l’Ergonomie. De ces quatorze présidents, sept peuvent être considérés comme des physiologistes, cinq comme des psychologues et deux comme des généralistes. A l’exception de Jacques Christol, consultant en Ergonomie, les autres présidents ont tous été des enseignants, bien qu’une place croissante ait été faite progressivement aux praticiens de l’Ergonomie au sein du Conseil d’Administration de la SELF.
Notre mission :
Promouvoir
la recherche,
la pratique
et l’enseignement
de l’ergonomie.
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