Chères et Chers Membres de la Self, Chères et Chers Collègues,
Comme vous le savez, le prochain congrès de la Self aura lieu à La Réunion, du 17 au 19 octobre 2023. Les préparatifs vont bon train et les organisateurs se démènent pour vous proposer un programme riche et des modalités de participation accessibles au plus grand nombre. Le Conseil d’administration de la Self les en remercie chaleureusement et les assure de son soutien.
Depuis que ce choix a été annoncé, en juillet dernier, des membres du Conseil d’administration ont été approchés par plusieurs personnes, qui leur ont fait part de certaines réserves quant au choix de la localisation du congrès. Les préoccupations exprimées ont porté sur deux éléments :
- L’empreinte carbone liée au déplacement des congressistes ;
- Le coût financier de ce déplacement.
Ces questions sont légitimes et pertinentes. Elles invitent à une réflexion de fond sur le rôle d’une société internationale, sur la diffusion de l’ergonomie de l’activité et, plus globalement, sur le maintien du multilatéralisme, dans une époque marquée par le réchauffement climatique, une croissance des inégalités et une recrudescence des tensions internationales. La vivacité du débat sur le choix du lieu du congrès atteste de la vigueur de notre association et de sa capacité à débattre démocratiquement. Nous saluons ces échanges et l’expression de points de vue divergents.
Dans ce contexte, le Conseil d’administration a souhaité présenter les éléments qui l’ont conduit à faire ce choix, dans une situation qui constitue véritablement un dilemme – une situation complexe, nécessitant de prendre en compte une pluralité d’éléments et qui requiert une approche nuancée.
Il convient tout d’abord de rappeler que, dans les 60 ans d’histoire de la Self, les congrès organisés hors de la France continentale ont constitué une exception : 6 fois en Suisse, 5 fois en Belgique, 1 fois au Luxembourg, 1 fois en Corse, deux fois à Montréal et 1 fois à La Réunion en 2005. Sur les 60 congrès organisés (en comptant celui de 2023), seuls 3 (soit 5%) se sont tenus hors d’Europe. En termes d’empreinte carbone et d’accessibilité financière de ces congrès, le Conseil d’administration est d’avis que la Self se comporte de manière parcimonieuse, et entend continuer ainsi à l’avenir. L’organisation de congrès hors du continent européen restera une exception.
Le fait que la Self organise des congrès hors du territoire national et, exceptionnellement, outre-mer ou outre-Atlantique, se justifie par le caractère international de notre société. Il faut rappeler que nous sommes la Société d’ergonomie de langue française, et non une société française d’ergonomie. Cette dimension internationale s’explique par la diffusion de l’ergonomie de l’activité au-delà des frontières françaises : notre discipline est bien vivante dans des régions aussi variées et éloignées que l’Amérique du Sud, le Québec, l’Afrique francophone ou encore certains pays d’Asie. Un congrès outre-mer est un moyen de nous rapprocher de certains de ces pays. Les relations tissées par nos prédécesseurs avec ces régions ont contribué au rayonnement de l’ergonomie de l’activité ; on peut penser, par exemple, à la collaboration d’Alain Wisner avec l’Organisation Internationale du Travail, et aux diverses missions à l’étranger qu’il a réalisées dans ce cadre.
Le Conseil d’administration est fondamentalement attaché à promouvoir cette dimension internationale, selon la mission qui lui est confiée par les statuts de la Self. L’article premier stipule en effet que « les rôles principaux de l’association sont :
- 1) d’inciter et de faciliter les échanges entre les différentes formes de pratique ergonomique (recherche, intervention, formation);
- 2) de représenter et de défendre l’ergonomie auprès des instances nationales et internationales ».
Ce rôle nous paraît d’autant plus important, dans le contexte actuel. Renforcer le bien-être commun et faire face aux défis sociaux, politiques et environnementaux, à l’échelle de notre planète, nécessite de travailler sur les échanges et sur la connaissance mutuelle, de part et d’autre des frontières et de l’équateur. La crise climatique implique, certes, de réfléchir davantage à la nécessité de nos déplacements ; toutefois, elle ne doit pas conduire à un renfermement territorial. Il est indispensable de préserver des plateformes d’échange et de rencontre à l’échelle mondiale, afin de pouvoir tirer parti des points de vue, des expériences et des réalités de chacun et chacune. La Self a ce rôle à jouer.
Dans cette optique, le Conseil d’administration a présenté récemment un bilan des activités de la Self, lors de la dernière rencontre du Conseil de l’Association internationale d’ergonomie (IEA). Les collègues étrangers nous ont donné des retours très favorables, concernant la richesse, la vigueur et le dynamisme de notre société. A l’annonce du congrès de La Réunion, le président de l’IEA, José Orlando Gomez, nous a encouragés à nous rapprocher des pays francophones d’Afrique, afin de « penser hémisphère sud », compte tenu de l’importance de l’ergonomie de l’activité. Des discussions sont en cours avec l’Organisation internationale du travail ; comme annoncé lors du congrès de Genève, l’OIT est prête à soutenir le congrès de La Réunion, en particulier pour favoriser une collaboration avec Madagascar et l’île Maurice. Des échanges ont également lieu avec des collègues d’Asie, qui ont manifesté un intérêt pour le congrès. Par ailleurs, notre récente présence au congrès sur les TMS en Tunisie nous invite à partager et à collaborer au-delà de nos frontières ; nous sommes sollicités pour poursuivre ce maillage entre sociétés savantes en ergonomie.
A cette dimension internationale s’ajoutent également des enjeux de cohésion à l’échelle nationale. La Réunion fait partie intégrante du territoire national français. Les Réunionnais sont en droit d’attendre, de la part d’une association ayant son siège social en France, une considération égale à celle donnée aux départements situés en métropole. Les revenus du tourisme constituent la première ressource économique de La Réunion. L’île connaît un taux de chômage de 3.5 fois plus élevé que la moyenne française, et une situation économique qui se dégrade. Dans ce contexte, les revenus générés par l’organisation d’un congrès représentent un apport bienvenu et une contribution au développement local.
Les questions de territoire et de développement durable ont pris de l’importance, dans les travaux en ergonomie de l’activité ; ces thèmes figurent d’ailleurs dans la Charte des congrès de la Self. Organiser un congrès à La Réunion, c’est aussi s’inscrire en cohérence avec ces enjeux. En effet, le développement durable ne comporte pas qu’une dimension écologique, mais également un volet social et un volet économique. Déplacer le congrès à La Réunion, après 17 ans d’absence, s’inscrit ainsi dans une recherche de compromis – certes délicate mais néanmoins indispensable – entre écologie, inclusion sociale et perspectives économiques. Les pays riches de l’hémisphère nord sont les principaux responsables des impacts du changement climatique. La prise de conscience écologique que nous observons dans nos pays est indispensable, bien que malheureusement tardive. Elle ne doit toutefois pas conduire à marginaliser davantage les régions moins favorisées.
Pour limiter l’empreinte écologique, les organisateurs ont prévu, pour la première fois dans l’histoire de la Self, un congrès véritablement hybride, avec des communications sur place et des sessions en ligne. C’est un énorme défi logistique et organisationnel, auquel ils s’attaquent avec courage et créativité. La participation en ligne sera proposée à un tarif plus bas que le montant de l’inscription habituel à un congrès Self. De la sorte, l’accès sera facilité pour des personnes ne pouvant assumer le coût d’une inscription et d’un voyage à La Réunion, mais également pour celles dont la participation aux congrès s’avère difficile, même lorsqu’ils ont lieu en métropole. Quant aux personnes qui feront le déplacement à La Réunion, nous les encourageons vivement à réfléchir aux possibilités de coopération, entre eux et aux côtés d’acteurs locaux, pour imaginer des formes d’engagement innovantes (p.ex. en termes d’échange de connaissances et d’expériences et de mise en place de projets locaux, à projeter dans le prolongement du congrès).
Pour terminer, le Conseil d’administration souhaite rappeler que l’organisation des congrès repose sur le bénévolat. Nous sommes heureux que l’équipe du congrès 2023 se soit montrée prête à consacrer beaucoup de temps et d’énergie à ce projet conséquent, dans un contexte de grande incertitude liée à la situation internationale. Lorsque la décision a été prise, au printemps 2022, la candidature de La Réunion était la seule qui nous fût parvenue. Or, depuis 60 ans, la Self organise chaque année un congrès. Celui de 2020 a dû se transformer en journées en ligne, en raison de la pandémie. Un an et demi s’est ensuite écoulé jusqu’au congrès de Genève, lors duquel notre communauté a enfin pu goûter à nouveau aux joies des retrouvailles. Il est essentiel de maintenir des liens forts au sein de notre communauté, et les congrès en sont une composante centrale, offrant des espaces et des temps de partage et de rencontre. Le congrès de La Réunion y contribuera.
Dans cette même perspective, nous vous invitons à mobiliser vos forces pour proposer des lieux et des thèmes pour nos prochains congrès et ainsi nous faire parvenir vos candidatures pour l’organisation des congrès 2024 et suivants ! Nous restons également ouverts à toutes propositions de nature à améliorer le processus organisationnel pour satisfaire le plus grand nombre.
Les membres du Conseil d’Administration souhaitent que le présent texte non seulement contribue aux débats de la communauté, mais aussi réponde aux préoccupations exprimées et suscite l’envie du plus grand nombre de participer à ce congrès, en présentiel ou à distance selon le choix et les possibilités de chacun(e).
Le Conseil d’administration de la Self vous remercie pour votre attention, votre engagement et vos initiatives !
Bien à vous,
Au nom du Conseil d’administration : Philippe Negroni, Alexis Chambel, Karine Chassaing, Anne Grunstein, Marianne Lacomblez, Frédéric Luzi, Bernard Michez, Alexandre Morais, Valérie Pueyo, Camille Thomas, Rafaël Weissbrodt